Y en a marre ! La filière nucléaire française est-elle destructible, soluble dans le capital privé ?

Non à la destruction d’AREVA, il faut un débat national de souveraineté publique sur la politique énergétique
vendredi 22 janvier 2010
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La presse n’en finit plus de prédire la fin d’AREVA, de son modèle, sinon celle de sa présidente. Les jeux d’amour et de désamours, d’ego et de copinages, sont devenus les grilles de lecture du journaliste et du politicien. Loin de l’objectivité des bilans industriels, économiques, sociaux et/ou politiques, les petites phrases du microcosme, les tocades du Fouquet’s Club, deviennent le guide de la politique de la France y compris de sa politique industrielle. Notre vibrionnant Président de la République, qui aimait à associer son portrait à chaque triomphe d’AREVA à l’export, c’est bien connu n’apprécie pas de perdre, la face surtout... Trouver « responsables et coupables », sa marotte, est à craindre. Mais au fond n’est ce pas honorer les seules promesses qu’il tienne, celles faites à ses richissimes amis ?

Qui, porte la responsabilité de l’échec aux émirats, la technologie, le prix, les personnes, les entreprises, la politique ? Est-ce que cela remet en cause le modèle industriel et économique, la stratégie d’AREVA ? Attention aux réponses, le plan d’action stratégique de l’entreprise a été voté à l’unanimité – dont le représentant de l’Etat - il y a 2 ans. Echec commercial donc, mais fallait-il vraiment l’emporter, et qu’a-t-on fait pour gagner côté « équipe de France » ? Les français veulent-ils le nucléaire comme outil de leur diplomatie, pensent-ils réduire les risques géopolitiques avérés, par la prolifération civile certes, mais risquée ? Voir le sort réservé à Osirak par l’aviation israélienne.

Si d’aucuns doutaient que le marché nucléaire était politiquement encadré, ils en sont assurés, Guéant présent tout du long. « Grands économistes » et « petits politiciens » dissertent aujourd’hui sur l’engagement à rebrousse poils d’EDF sur le projet, sur l’EPR lui-même, sur ce qu’aurait éventuellement changé la présence d’EDF. Vendre une technologie ancienne, faire un EPR au rabais, les « Sacomano » de café du commerce ne manquent pas de recettes et refont le match. Tout ça prétexte à défaire ce qui n’est pas l’œuvre de cette majorité, mais choix de Gauche Plurielle. Faire et défaire se paient en matière industrielle, 20 ans de jachère nucléaire, des savoirs, des expertises et des outils à reconquérir, à rebâtir. Cela n’a rien à voir avec un effet d’annonce, une spéculation, une récupération politicienne.

Combien de temps faut-il pour bâtir un grand groupe autrement que sur une promesse, mais des réalités ancrées ?
Après dix années d’intégration du groupe sur le plan économique, sans que ne s’affirme une réelle culture d’entreprise et pire sans réalisation d’un modèle social unifiant et positif, le gouvernement œuvre de fait à une privatisation morcelée de l’ensemble. François Roussely doit faire « le patron » de la découpe, en définitive dire par où doit passer le ciseau pour socialiser le plus coûteux, privatiser au mieux. A peine, en arrière plan viendra peut être l’idée de garder un contrôle sur la dissuasion. Sur ce point notre cher président a exprimé sa conception des industries de défense au salon du Bourget. Exit aussi la conception intégrée de feue « la COGEMA » (NC) allant de la mine d’uranium au recyclage. Il se pourrait que le secteur minier, lui aussi, échappe à un AREVA devenu exsangue. La plus value de l’ingénierie irait chez EDF, la métallurgie traitée comme activité à façon pourraient aller en cadeau à qui la lorgne de longue date. On nous présentera l’affaire comme un sauvetage. A s’étonner du silence, on comprit qu’il suffisait d’attendre. Le projet de cette découpe n’est pas dicté par « l’échec d’AREVA » mais plutôt par sa réussite. La conjoncture EPR fait la circonstance, une déconfiture apparente le prétexte.

Les salariés d’AREVA, mais aussi d’EDF et de leurs filiales respectives, la maîtrise des savoirs, les contraintes, les efforts auxquels ils ont consentis depuis la création d’AREVA, la privatisation d’EDF, tout ça est oublié. Et hop encore un coup, d’aujourd’hui celui là, Riton les 2 Casquettes s’essaie à une prise vicieuse, « tu me prends plus mon jus à Tricastin, je vais t’exploser tes lessiveuses » et tu céderas. Puisque c’est comme ça « tu te garderas ta m…, qu’elle t’étouffe dans tes marmites » réplique Atomic Ann la Blanchisseuse. On pourrait en rire, mais non. Dans les usines, du bord de la Manche aux coteaux du Tricastin, des femmes et des hommes sont suspendus à l’affrontement. Toutes et tous savent que tout ça ne peut durer et qu’il va falloir qu’ils se causent ces deux là et trouvent un terrain d’entente, car l’efficacité n’offre pas d’autre choix. Attentions aux interventions, celle de l’Etat en particulier, que le marché de Brive la Gaillarde, vous inspire, le peuple sait rosser les cognes, voire se montrer « gendarmicide », même pour une histoire de botte d’oignons. Surtout s’il ne s’agit que d’enflammer la situation ou pire nous piquer notre pognon.

Assis sur une rente, celle de l’électricité en France, les nouveaux dirigeants entrants, tous émules libéraux en oublient les caractéristiques de ce produit vital qu’est l’électricité. Qu’ils aient la modestie d’un Marcel Boîteux et cette sage sagacité. La « marchandise électricité » ce n’est pas une affaire de bateleurs.

Guerre de prix ou de modèle industriel, il y a au centre, la vie des salariés, des usagers. Pour les prix continuons de penser qu’il y a encore en France un quasi monopole naturel de fait, grâce au nucléaire pour EDF. Ce que le gouvernement s’emploie à détruire. Pour le modèle industriel, laissez-lui le temps de s’éprouver et se rebâtir. Nous ne sommes qu’à l’aube d’un redémarrage industriel. Et si l‘argent accumulé, issu de notre travail, a rendu aisée la folie de nos dirigeants, qu’ils ne nous fassent pas payer deux fois ce que nous avons édifié milliSievert par milliSievert intégrés, ce qu’ils n’ont jamais éprouvé. Notre stratégie c’est celle de la vie, nothing else.
Et s’il fallait changer quelque chose, ce serait de n’être pas boulimique, de savoir partager le plat qui passe.